François Jean Evellin
(1803 - 1881)
et
Marie Julienne Billou (1816 - 1886)
Il est né
le 3 germinal an XI (24 mars 1803) (Extrait du registre des actes de mariage
de la ville de Nantes de la première division pour l'an onze de la République)
"Mairie
de Nantes, quatrième arrondissement du département de la Loire-Inférieure du
cinq germinal an XI de la République Française acte de naissance de François
Jean né le 3 de ce mois (Soit le 24 mars 1803) à sept heures et demi du soir
fils de Jean François EVELLIN épicier et de Françoise-Angélique RAIMBAUD mariés
demeurant section huitième Haute Grande rue le sexe de l'enfant a été reconnu
être masculin premier témoin François RAIMBAUD commis négociant âgé de
cinquante trois ans ayeul maternel de l'enfant demeurant section onzième rue
Grande Biesse le second témoin Jeanne LAILLAUD veuve de Jean EVELLIN âgée de
soixante douze ans ayeul paternel (sic) dudit enfant demeurant dite section
huitième Basse Grande rue sur la réquisition à moi faîte par ledit
Jean-François EVELLIN père dudit enfant lequel signe avec le premier témoin le
second a déclaré ne savoir signé"
Signé : Jean-François EVELLIN – RAIMBAUD –
"Constaté
suivant la loi par moi Pierre BRUNET adjoint du maire faisant les fonctions
d'officier public de l'Etat-Civil"
Signé BRUNET adjoint
et fut baptisé à Saint Pierre le lendemain.
Parrain : François RAIMBAUD, son grand-père maternel. Marraine : Jeanne LAILLAUD,
veuve de Jean EVELLIN, sa grand-mère paternelle.
Nous ne
savons rien de l'enfance et de l'adolescence de François. Sans doute ses
parents lui ont-ils permis de suivre de bonnes études. Le commerce d'épicerie,
dont Jean-François avait hérité en 1800 était très prospère. En témoigne en
particulier l'achat, le 22 janvier 1806, par Jean- François et
Françoise-Angélique, à Mr Henri DE BRUC, curé de Guérande, de la propriété de
la Bazillière, en la commune du Loroux-Bottereau, au prix de 18.000 francs. Elle
fut agrandie par la suite par l'achat de la propriété de la Monnerie et d'une
quinzaine de parcelles de terre dans la même commune ; si bien que le tout
était estimé 46.660 francs, lors du partage de leur succession en 1842.
Comment
fils, petit fils et neveu d'épiciers, tant en ligne maternelle que paternelle,
François a-t-il eu la vocation de la bijouterie et de l'orfèvrerie, et comment
a-t-il été formé à ces métiers qui exigent un long apprentissage ? Nous
l'ignorons malheureusement.
On peut
toujours penser qu'il a été influencé par un jeune camarade et formé par un de
ces bijoutiers-orfèvres qui perpétuaient dans la rue voisine de la Casserie les
traditions de l'antique et célèbre corporation nantaise.
Mais on
peut aussi imaginer que son oncle Pierre NAU (1749-1803), épicier, époux de
Jeanne-Marie EVELLIN, père de Françoise NAU dont nous avons dit qu'elle vivait
chez Jean-François, ait un lien de parenté avec le célèbre orfèvre angevin
Pierre NAU.
Quoi qu'il
en soit le jeune François obtint de Louis LEVESQUE, Maire de Nantes, le 28
février 1822 (il allait avoir 19 ans) l'autorisation d'installer une petite
forge (Extrait du registre des Arrêtés du Maire de Nantes n° 36 Bureau
des Travaux Publics – Arch. Mun. de Nantes.).
Arrêté qui autorise
le Sr EVELLIN fils aîné, bijoutier, à construire une petite forge dans la
demeure dans la demeure de son père, md épicier, Basse Grande rue n° 21.
"Vu la
pétition du 8 de ce mois par laquelle le Sr EVELLIN, fils aîné, jouailler et
bijoutier, demande la permission de construire une petite forge à l'usage de sa
profession dans la demeure de son père, md épicier, Basse Grande rue n°21.
"Vu à
ce sujet l'avis du 25 de Mr l'Inspecteur VOYER portant qu'il n'y a aucun
inconvénient à établir cette petite forge dans la cheminée de la chambre
occupée par l'exposant au 3ème étage de la maison 21 Basse Grande
rue".
"Le
Maire de Nantes autorise l'établissement de la forge dont il s'agit à condition
qu'avant de la construire le Sr EVELLIN en préviendra la commission de police
de l'arrondissement et qu'il prendra d'ailleurs toutes les précautions contre
les accidents du feu".
"Le
Maire de Nantes : Louis LEVESQUE.
C'est à la
fin de l'année 1833 que Jean-François cessa son commerce et céda à son fils
aîné sa boutique et une partie des appartements. Cela ressort de la déclaration
qu'il fit à l'administration fiscale le 23 décembre 1833 : "A comparu
Monsieur Jean-François EVLLIN, épicier, demeurant Basse Grande rue n°21 qui a
déclaré avoir cessé le 8 novembre dernier la susdite profession et s'être
retiré dans une chambre qu'il occupe dans la même maison, occupant aussi les
deux chambres du 3e étage ; a en outre déclaré être remplacé pour la
boutique, le second étage composé de deux pièces et une chambre au 1er
sur le derrière par son fils François Jean EVELLIN, exerçant la profession
d'horloger bijoutier".
Lors du
recensement de 1834 François est considéré comme chef de Ménage occupant
"une boutique avec cours et une pièce sur l'arrière, plus 3 étages de 2
pièces chacun". On précise que "EVELLIN père, sa femme et quatre
enfants demeurent avec EVELLIN fils".
L'année
suivante, 1834, fut une année faste pour François. Le 26 novembre, en effet, il
épousa Marie-Julienne BILLOU de 13 ans sa cadette, fille de feu Jean-Baptiste
BILLOU et de Françoise LEROUX qui avait succédé à son époux à la tête d'une
filature-teinturerie et d'un commerce de laine, rue des Halles et rue de la
Clavulerie. C'est son frère Ambroise qui bénit leur union.
Marie-Julienne
est la dernière fille de feu Jean-Baptiste BILLOU, qui, orphelin sans fortune,
a créé avec sa femme, Françoise LEROUX une fabrique de laine à tricoter avec
teinturerie prospère.
La famille
EVELLIN d'origine vendéenne avait le cœur ardemment royaliste et la foi
profondément catholique. François par son mariage devenait le gendre d'une
célèbre "chouanne" : elle avait accueilli chez elle les conjurés
légitimistes qui avaient soutenu, au printemps de 1832, la tentative de la
Duchesse de BERRY tendant à remettre sur le trône son jeune fils, le Duc de
BORDEAUX, alors âgé de 12 ans, sous le titre de Henri V. Sa belle sœur
Aimée-Jeanne BILLOU avait directement aidé les conjurés et épousé sept mois
plus tôt Jean-François-Frédéric LA ROCHE l'un des chefs du soulèvement vendéen
de 1830 en faveur de la duchesse de Berry et du duc de Bordeaux.
Sur son
contrat de mariage il est porté "orfèvre", sur son acte de mariage
civil "bijoutier" et sur son acte de mariage religieux
"orfèvre". Il sera ainsi par la suite désigné alternativement comme
orfèvre ou bijoutier, plus rarement horloger.
François
Jean, qui signait toujours "EVELLIN aîné", a donc fondé vers 1825,
dans la maison familiale d'abord en chambre, puis à partir de 1834 dans
l'ancienne boutique d'épicier de son père, une fabrique de bijouterie et
d'orfèvrerie. Quand son frère Dominique-Joseph s'associa avec lui, il lui
apporta ses talents d'horloger. Par la suite l'affaire se développa. On
s'orienta vers l'orfèvrerie religieuse. On y adjoignit la fabrication de
chasublerie et d'ornements d'église logée aux 3ème et 4ème
étages. L'atelier d'orfèvrerie et de bronze fut installé rue de la Juiverie.
Le fils,
deux petits-fils et un arrière-petit-fils de François ont maintenu ces
manufactures artisanales à Nantes jusqu'au milieu du XXe siècle, puis à Rennes.
François
travaille avec son frère Dominique.
Bien que
nous n'ayons retrouvé aucune trace d'un acte de société et bien que François
seul soit patenté on pourrait penser qu'ils furent associés de fait. Les
"Etrennes Nantaises", almanach de l'époque qui depuis 1835 portaient
parmi les orfèvres-horlogers EVELLIN fils, y font figurer depuis 1841 jusqu'en
1854, sous la même rubrique, EVELLIN frères. De même un arrêté du Maire de
Nantes, daté du 30 décembre 1854, répond favorablement à une "pétition
présentée par les sieurs EVELLIN frères, bijoutiers, demeurant à Nantes, Basse
Grande rue n° 16, à l'effet d'établir une niche avec moulure en plâtre,
au-dessus du balcon du 1er étage". Enfin dans une convention
passée le 2 décembre 1842 avec leurs voisins du n°22, Melle PINEAU et Mr
CRAHAY, ils sont appelés Messieurs EVELLIN frères, bijoutiers et horlogers.
Dans le
registre des recettes et dépenses de la Fabrique de la paroisse Sainte Croix,
fort bien tenu à cette époque on trouve le premier paiement à la maison EVELLIN
en 1833. On lit : "23 février 1833 : payé à EVELLIN pour dorage (sic) du
tabernacle (porte) et réparation des candélabres : 55 F." et" 18 juin
1834 : payé à EVELLIN, orfèvre à Nantes, lampes d'autel et flambeaux : 390
F." On trouve même dans les comptes de la Fabrique de Saint Similien la
réparation d'une croix par EVELLIN en 1832. Il ne fait donc aucun doute que dès
1832 François EVELLIN n'était pas simplement bijoutier-joaillier, mais aussi
orfèvre.
Le premier
en-tête de facture que nous possédions, datant de 1853 porte : EVELLIN :
Orfèvre, Horloger, Bijoutier, Basse Grande rue n°16 – Bronzes dorés, argentés
et vernis – Articles d'église – Orgues expressives. Nous verrons que par la
suite son activité s'est de plus en plus orientée vers les articles d'église.
A leur
commerce d'orfèvrerie religieuse François et Marie-Julienne ajoutèrent bientôt
celui des ornements sacerdotaux. Nous détenons dans les archives de famille une
lettre de voiture du 11 juin 1851 signé J. GRANION pour le transport "à la
garde de Dieu et conduite de HUET, voiturier" d'un colis d'ornements
d'église de Lyon à destination de "Messieurs EVELLIN aîné, orfèvre à
Nantes, Bretagne".
Il y avait
alors à Nantes deux importants fabricants chasubliers : Mr Félix LEMOINE, rue
Basse du Château, et Mr Alexis PICOU, 47 rue Saint-Clément. Vers 1866 François
EVELLIN acheta le fonds de commerce de Mr PICOU. Il conserva sans doute le
personnel expérimenté de son prédécesseur. Il y est patenté comme chasublier
jusqu'en 1875.
Marie-Julienne
BILLOU, car, depuis plusieurs années déjà son mari, fatigué par l'âge, lui
avait pratiquement laissé la direction des affaires. Elle écrit en effet dans
la note ci-dessus citée :
"Nous
avons géré la maison de commerce, mon mari et moi jusqu'en 1868 … (illisible)…
par suite de la maladie dont ni la médecine, ni les soins, ne pouvaient
retarder la marche, il me chargea de demander à mon cousin P. LEROUX, de
descendre à la maison et d'y avoir sa chambre, le priant de ne pas m'abandonner
et de m'aider de ses conseils. Il le désirait si vivement et me dit qu'il
serait plus tranquille sur mon compte et que ce serait un grand adoucissement à
ses préoccupations à mon égard. Sa volonté fut exécutée et depuis ce moment mon
cousin descendait chez moi et me servait de conseil".
Un peu plus
loin elle confirme : "En 1868, lorsque j'ai commencé à gérer à peu près
seule les affaires de la maison, mon mari habitait désormais son jardin à
Barbin".
Pourtant le
4 janvier 1869 un contrat était signé entre Messieurs les membres du Conseil de
Fabrique de la Cathédrale et Monsieur François EVELLIN aîné fabricant orfèvre,
pour la fourniture de dix lustres à gaz, bronze doré, modèle XVe siècle pour un
prix total de 15.000 francs.
On peut
aussi penser que, vu l'état de santé de François, c'est pratiquement sous la
direction de son fils Emile Dominique que ce travail fut effectué.
François
Jean EVELLIN mourut le 3 avril 1881 à Saint-Etienne-de-Montluc où il s'était
réfugié chez sa fille Marie, épouse du docteur Prosper CHAILLOUS. Sa
petite-fille, Marie-Thérèse, nous a raconté que François et sa femme avaient,
sur la fin de leur vie, fait vœu de chasteté totale dans leur mariage et que
cela lui avait causé tant de troubles qu'il avait résolu de se séparer de son
épouse et d'aller vivre chez sa fille.
Le 22
janvier 1886 exactement, Marie-Julienne est décédée en sa demeure. Eulalie
BRETAULT dans son journal raconte combien cette fin fut douloureuse ([1]).
Citons quelques phrases :
"Jeudi
11 février … J'ai été ensuite voir ma pauvre tante EVELLIN dont la souffrance
me déchire le cœur. Le mal fait des progrès".
"Samedi
20 février : J'ai passé toute la journée près de ma tante. Elle paraît si heureuse
de m'avoir près d'elle que c'est pour moi une vraie consolation ; son état
s'aggrave tous les jours ; elle souffre horriblement ; sa patience ne se dément
pas un seul instant".
"Lundi
22 février : c'est ce soir à 6 heures que ma pauvre tante à rendu le dernier
soupir en fixant sur moi un regard que je n'oublierai jamais ! Ses deux mains
étaient dans les miennes ; je lui ai fait embrasser sa belle relique de la
vraie croix; j'ai déposé un baiser sur son front et ses yeux se sont fermer
pour toujours".
Elle fut
inhumée près de son mari, au cimetière de la Bouteillerie (concession
perpétuelle n° 12152, section A 24e rang)
Ces informations ont été
obtenues grâce au travail |
[1] "Le journal d'Eulalie" pages 87 et 88. Marie Anne Eulalie BRETAULT (1836-1927), de Kervy en Saint Lyphard, était fille de Joseph BRETAULT (1802-1882), époux d'Eulalie BILLOU (1812-1841) sœur de Marie_Julienne (1816-1896)